La Haute Assemblée a adopté définitivement hier 14 octobre les 62 articles de la loi par 187 voix pour et 131 contre, sans aucun changement par rapport au texte adopté la veille par les députés. Pour les 25 décrets qui doivent compléter la loi, Laurent Wauquiez a annoncé les priorités : la mise en place du FPSPP au 1er janvier 2010 et la mise sous tension progressive des OPCA. L’année 2010 sera aussi consacrée à "la traque implacable des dérives sectaires".
Lors de lors interventions, les sénateurs toutes tendances confondues, ont regretté - comme l’avaient fait les députés la veille - la procédure d’urgence retenue. Ils estiment qu’ils n’ont pas eu le temps nécessaire pour approfondir les débats. Jean-Claude Carle, le rapporteur de la Commission spéciale du Sénat sur le texte estime que "deux lectures dans chaque assemblée auraient été utiles" et Annie David (groupe communiste), considère que "la longue et âpre commission mixte paritaire a procédé à une véritable seconde lecture du projet de loi, à ceci près que le débat n’était pas public".
Evoquant les conventions triennales qui doivent être conclues entre l’Etat et les Opca, Jean-Claude Carle précise que ces dispositions "s’appuient sur le contrat et la confiance, et non sur la contrainte". Confiance encore aux partenaires sociaux, poursuit-il, de la Commission mixte paritaire qui a rétabli le texte adopté par l’Assemblée nationale en ce qui concerne la répartition entre plan de formation et contrat de professionnalisation pour l’abondement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et renvoie cette répartition à la négociation de branche. Cependant, avertit-il, "nous veillerons à ce que les contrats de professionnalisation ne soient pas remis en cause". Confiance toujours de la CMP "qui a supprimé la présence de personnalités extérieures au sein des OPCA, prévue par le Sénat". Il assure que "le texte contient de nombreux instruments susceptibles de moderniser en profondeur notre système de formation professionnelle". Et ajoute : "il faut maintenant que les acteurs de la formation professionnelle se l’approprient et le fassent vivre".
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi rappelle que pour lui, l’emploi "doit être le seul objet de la formation professionnelle afin que celui qui a un emploi le conserve, que celui qui veut progresser vers un meilleur emploi puisse le faire, que celui qui a perdu son emploi en retrouve un". Et de souligner : "dans un univers peu lisible, où s’est perdu le sens de l’efficacité et de l’évaluation et qui prête le flanc à tous les lobbies, il était temps de procéder à un rappel à l’ordre. Nous le faisons à trois niveaux. En premier lieu, de 100 qui existent aujourd’hui, nous ramenons à 15 les organismes collecteurs agréés qui devront offrir un meilleur service de proximité, rendre des comptes tous les trois ans et se soumettre aux règles communes de la concurrence et des délais de paiement. En deuxième lieu, nous assurons un meilleur contrôle de l’offre. Est-ce manquer de lucidité ? Nous avons laissé prospérer des officines ouvrant sur toutes les dérives sectaires. Nous mettons en place un dispositif pénal pour y remédier. En troisième lieu, nous remédions au défaut de pilotage et d’évaluation en assurant une meilleure coordination des acteurs tant au niveau national, via une convention-cadre qui définit les priorités, qu’au niveau régional par une méthode originale de contractualisation des plans régionaux de formation, étant entendu qu’il ne s’agit nullement de revenir sur la décentralisation mais bien de mieux coordonner les acteurs". Le secrétaire d’Etat se réjouit aussi des avancées concrètes issues d’amendements parlementaires : la simplification du système, avec la portabilité du DIF ; les mesures en faveur de la formation dans les PME ; la meilleure articulation entre formation initiale et continue au travers du délégué à la formation et à l’orientation ; la mise sous tension des OPCA au travers des conventions triennales d’objectifs ; pour les jeunes, les apports de l’Assemblée nationale ont été ici complétés grâce à la simplification de l’enregistrement des contrats d’apprentissage et une meilleure prise en compte des « décrocheurs ».
Laurent Wauquiez renouvelle sa proposition faite la veille aux députés d’une séance de travail réunissant les partenaires sociaux et la représentation parlementaire "pour réfléchir ensemble à la jurisprudence progressive que nous devons construire".
Christiane Demontès (Rhône, groupe socialiste), qualifie le projet de loi de "texte patchwork" et affirme que l’ANI du 7 janvier 2009 "se trouve presque trahi". Même si elle reconnaît que la portabilité du DIF, la création d’un fonds paritaire, l’extension des contrats de professionnalisation aux titulaires de minima sociaux ou aux bénéficiaires de contrats aidés constituent des avancées. Cependant elle regrette qu’il n’évoque pas l’articulation entre formation initiale et continue, "sinon à l’article 2 qui n’a qu’une simple portée déclarative", ni ne comprenne d’avancée sur l’apprentissage ou la validation des acquis de l’expérience, "qui reste trop confidentielle". Elle réaffirme son opposition aux dispositions concernant le droit à l’orientation qui "n’apportent aucune réponse aux besoins des jeunes et des adultes qui doivent être accompagnés dans leur parcours d’orientation.", estimant que "le Gouvernement a ajouté de la confusion à la complexité en ce qui concerne les compétences du délégué interministériel à l’information et à l’orientation". Elle s’insurge encore contre "la remise en cause de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans" via l’amendement qui prévoit que des jeunes de 15 ans pourront intégrer un CFA pour suivre une formation sous statut scolaire. Faisant référence à l’Afpa, elle déplore que le texte "marque une nouvelle étape dans l’entreprise de destruction du service public et, plus spécifiquement, de celui de l’emploi". Enfin, elle conteste "la recentralisation du pilotage de la formation professionnelle contre l’avis des partenaires sociaux qui estiment que les conseils régionaux n’ont pas démérité, loin de là".
Jean-Pierre Plancade (Haute-Garonne, groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen), malgré les avancées qu’il reconnaît au texte, analyse que celui-ci "qui est censé préparer nos jeunes et les salariés au XXIe siècle" le fait encore "avec l’état d’esprit, les critères et les analyses du XXe siècle". C’est pourquoi il reste persuadé qu’il "reste à inventer une loi sur la formation professionnelle pour ceux qui auront 35 ans ou plus en 2050".